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Comme si la Beauté
Embellie par les siècles
Ainsi qu’une riche femme
Qu’illumine la blancheur de ses cheveux
Avait besoin d’un pauvre marmot
Qui s’efforce tant bien que mal
À lui faire porter son écusson
Une détresse habite ma poitrine
Je la garde auprès de mon cœur
une prière
Puis je la porte très haut au ciel
Avec les oiseaux
Adresse aux sages
Pour ceux dont les paroles sont une musique
Dont le nectar sourd sur la corolle de leurs lèvres
Vous, les sages bienheureux, dites-moi:
Quelle vérité inébranlable, inaltérable, inscrite à jamais?
Existe-t-il, oui dites-moi, une vérité au-dessus des autres
Qui, brume inattaquable, indéformable car sans forme
Résiste à l'assaut des âges, aux sépultures
À l'inconséquence des hommes et des peuples
Nous permettant de cheminer devant l'inconnu?
Ou alors — ironie suprême du destin!
Cette vérité serait son absence?
Votre sagesse votre défaite avouée?
Et votre bonheur, une passible résignation?
Oh! cruelle pensée! Dès lors, si elle est avérée
Je préfère vivre naïf, frayer avec les dépravés
M'écarter de vos droits chemins inutilement droits
Et pleurer mes jeunes années lors que je ceindrai
Une blanche couronne et une tunique de haillons
J'ai, toute la journée durant, des listes dressé
Classant, organisant, hiérarchisant, structurant ma vie
Dans des fiches bien rangées
Et ce, une fois la tâche finie
Pour m'extirper de mon appartement exigu
Et à aucune de ces listes ne porter attention
Et marcher sous un ciel bleu, ingénu
Et ne rien faire sinon
Béatement les nuages contempler
Pour moi-même pensant
Qu'il est si bon de tout planifier
Pour finalement perdre son temps
Je ne suis qu’une membrane de chair
Qui trépide dans l'obscurité
Ne sachant pas trop où errer
Confondant nord et sud beauté et misère
Incapable de marcher droit de penser avec rigueur
Mon attention constamment détournée
Par mille et une pensées, indications, charges
Pilant sur les fleurs sourd au chant de l'oiseau
Une brute épaisse qui ne pense qu'à ce qui vient
Sans jamais apprécier ce qui est là
Qui se casse l'échine sur des livres sans intérêt
Pour obtenir des bouts de papier qui ne valent rien
Sinon leur fibre
Et la vanité qui les gonfle
Qui voit trop bien ce qui se cache derrière
Chaque geste, chaque regard, chaque déclaration:
L'orgueil et la peur, éternels marionnettistes
Qui font danser les hommes depuis la première pluie
Je suis las du spectacle à quand le dernier acte
Le rideau final qui cachera tout ce ridicule ampoulé
Je n'ai plus la force d'un applaudissement hypocrite
Au fond de mon ventre brûle une fougue sans limite
Qui emporterait tous les documents toute la paperasse
Tous les titres, les décorations, les certifications
—mon esprit est une bête que j'amadoue journellement
Le pelleteur de nuages
Je sais bien que mes mots sonnent creux
—je les anime d’une harmonie surannée et ingénue
Et que mon geste ne vaut pas celui du citoyen vertueux
Je ferais mieux de m'en retourner d'où je suis venu
Tout ce que j'ai écrit: ma voix poétesse
N'est bon que pour crémation
Tous les poèmes toutes les adresses
—qu'une loque pour la nation
Il me prend l'envie parfois
de désavouer mes écrits
D'enterrer tous désirs toutes voix
et toutes ces fantasmagories
J'ai un grand cœur en lequel tout l’amour trouve refuge
Et cependant tout luit tout part tout fuit tout chancelle
Et rien pour retenir les instants fugitifs et transfuges;
Les décors et les mémoires s’écoulent et se mêlent
Qui suis-je sinon un marcheur immobile
Observant le chemin défiler
Que suis-je sinon un corps débile
Ressentant de l'existence toute l'immensité
Les foulées, en éclatants tonnerres
Peuvent la terre marteler
Les âmes des canons, vomir toutes leurs sphères
Et les vaisseaux s’entrechoquer
Les légions peuvent abreuver de sang la terre
Les destriers piaffer les corps au sol jonchés
Les généraux lire tous les traités de guerre
Et les monument s'effondrer
Les journaux peuvent s'embraser de colère
Les dirigeants par leurs harangues s'invectiver
Les frères, sans commune mesure, exécrer les frères
Et dans l’œil de leur visière s'entre-détester
Les États peuvent alimenter la Haine
Les prêtres fulminer des anathèmes
Mais moi, je ne veux que consommer ma peine
Et offrir des bouquets pour tous ceux que j’aime
J'ai gâché toutes les images qui dansaient dans ma tête
Pour n'être qu'un piètre griffonneur
Stupide et affamé: qu'une bête
Qui dévore tous les fruits de l'arbre en fleurs
Ne serait-il pas bien plus sage
De laisser la Beauté opulemment s'écouler
Que d'essayer, avec cette chaudière trouée qu'est le langage
De remplir un lac tout entier?
J'écrivis autrefois des choses sans trop les comprendre
Le regard plein d'étoiles rivé sur les horizons fuyants
Laissant couler la voix de miel et de lumière
qui passe des choses au cœur et du cœur à la main
Désormais les arrière-chants résonnent en contrepoints enfouis
Sous les matériaux grossiers et les chemins de traverse
dispersés par des trajectoires accidentelles
Désormais la voix se tarit et s'étouffe au creuset où tout meurt
Et ne sonne plus le clairon de sa mystique résonance
elle s'est envolée comme un vent que tout caresse
Lors j'ai pour seul chant que celui des travaux ennoblis
Par leur impeccable rigidité et par leur empoussièrement
un chant desséché où la rose se fait rare
Je n'écris que des platitudes ensommeillantes
Qui tombent sous le couperet d'une logique encarcanée
et c'est bien là la plus triste des histoires
Où est la main amie qui se tend
- Quand la tristesse ruisselle d'eau -
Celle que l'on agrippe en s'abandonnant
Une corde lancée depuis la falaise là-haut
Oui! Je suis!
Ne me dites pas : rien ne dure
Je veux seulement jouir
– Briller –
Construire un fil d’or
Un rêve instable qui s’évidera
Mais qui, en se dissipant
Répandra sa lumière
Un cri venu du ciel adviendra
Doux comme la douleur de qui agonise
Mélodieux comme mille furies
Sec comme des os qui rompent
Fatal comme les lois de Shaddaï
Déchirant les nations
Une haine implacable
Décimant les peuples
Qui brûleront dans d'intenses flammes
Irrésistible comme la jubilation
Que l'on trouve à abaisser
ceux que l'on exècre
Un puissant cri de rage et d'impuissance
De l'homme à la face de Dieu
Une colonne de braise
L'érection d'une puissance humaine
Qui sème désert et désolation
Seuls subsisteront
Les larmes qui se mêlent à la suie
Les cris aux décombres
La chair aux odeurs
La ruine à la frénésie
– Je souhaite troquer mon bonheur paisible et solitaire
Contre un malheur public et turbulent.
– Tu veux des pas fracassant le firmament de leurs échos?
Tu veux des oriflammes? Des bannières d'or et d'argent?
Des portraits peints par les plus grands peintres?
Que ton nom seul déclenche une pluie mirobolante d'artifices et de confettis?
Un spectacle de paillettes! de cris d'extase, de trompettes!
Un défilé de chasubles, de robes, de canons!
De tapis écarlates infiniment déroulés, de... de...
D'un éclat qui aveugle tous les saints tous les rois.
Que les sages se penchent sourcillant tremblant et pâlissant sur tes livres,
Recueillis gravement sur ta tombe?
– Oui. Cela et rien d'autre. Le reste m'importe peu.
– Tu es un homme vain...
– Et je veux me draper de cette vanité!
Faites-en des étoffes vermeilles,
Une couronne diamantine,
Des éboulis d'escarboucles,
Des satins en cascades chatoyantes,
Des mirages incessamment renouvelés de femmes lubriques,
Des fontaines d'alcool brûlant pour purger mon âme,
Des pluies de saphirs!
– Ainsi soit-il.
J'ai épuisé ma première flamme aux bras d'un impotent
J'ai posé un garrot de dettes à mon cou plein de bleus
Pour avoir vendu mon âme aux prisons d'enseignement
Et désormais seul je vais, tirant le diable par la queue
N'étant pas assez érudit pour prétendre au titre de docteur
N'étant pas assez beau pour faire commerce de ma beauté
N'étant pas assez sot pour à la tâche trouver bonheur
N'étant pas assez naïf pour les premiers amours recommencer
Il ne me reste qu'à partir sous d'autres latitudes
— Et ce cœur qui déborde de soupirs —
Qu'à me placer sous un voile de solitude
— Renglacez-le qu'il ne puisse plus sentir —
C'est un jour qui n'en finit plus de mourir
Dans l'agonie d'une longue nuit d'été
Plongé en un océan qui ne sait que frémir
Du harassement invisible de l'alizé
Sous un un horizon qui ne peut que s'ouvrir
Et tout rejoindre et nos rêves et nos cendres
Tout embrasser tout embraser même le souvenir
Que deviendra cet instant qui ne sait que s'étendre
Je veux fuir du monde l’infinie rudesse
Je veux de la soie! De la volupté! De la mollesse!
Et cessez, pour l’amour du ciel, cet abominable tintamarre
Je ne veux qu’entendre bruire la gaîté et les vers de Ronsard!
I
Je ne puis plus souffrir d'être eunuque
D'un système par trop castrateur et caduc!
Je suis sur le point d'éclore, pareil au bourgeon
Mais dont le bulbe serait strangulé par un invisible cordon
Pareil à l'oiseau aux ailes déployées, en attente d'un courant
Qui tarde, ne vient jamais et laisse transi l'impatient
II
Au moins, laissez-moi contempler les lénifiantes visions
D'or limpide essaimé sur les horizons
Laissez-moi boire les coulées de feu semblables au bronze liquide
Je veux accueillir le monde au creux de mon être livide
Je veux absorber tous les rayons
Et ceux du globe en éternelle fusion
Et ceux encore de celui d'argent
Sentir tous les vents
Ceux qui écument les plaines de Neptune
Et ceux encore qui froissent les dunes
Enfin, je suis prêt à regarder dans l’œil tempétueux du temps spiralé
Être consumé de toutes les possibilités
Et ne laisser de mon regard que brasiers fumants
Apportez! Amenez! Les bourrasques destructrices les torrents
Les déluges les tonnerres
Conjurez! déchaînez! Tous les éléments du céleste univers
Je suis prêt à recevoir les violences comme les fleurs
Nu dans la lumière et sans aucune peur
Je vous mets au défi de m'emporter
Car je suis au monde pour y rester
Pour verser la dernière larme qui roulera sur ma face
Jusqu'à ce que, six pieds dessous la surface
N'y sois que cendres amères
Parmi douce terre
III
D'ici là, il doit bien me rester quelques secondes
Une toise de lendemains et un instant pour que tout se confonde
Où je suis homme, enfant, vieillard
Habitant mille lieux et cependant nulle part
D'où je suis parti et où je suis venu
Et le monde, une fraction de seconde, m'aura appartenu
Mon cœur est mûr, d'amour gorgé
Prêt à être de sa branche détaché
Quelle sera la main qui se tendra pour saisir
Le fruit dont les graines s'impatientent de fleurir?
Comment, comment débonder mon cœur
De la douleur qui y abonde?
Comment ma litanie moribonde
Pourrait-elle seulement apaiser mon ardeur?
Comment la fine feuille, ce blanc-saigné
Pourrait-elle seulement saisir les transports inexpliqués?
O mystère de l'existence! o complexité humaine!
Tu n'en finiras jamais de creuser nos déveines
Dans la tiédeur du soir enveloppé
Tout se prête à qui veut cueillir
Les foucades, des regards, l’amour, un baiser
Qui n’a donc jamais senti son cœur défaillir?
Pareil à un rêve qui s’évapore dans la nue
Pareil à une âme qui s’éteint
Et qui crève son manteau de chair chenu
Chaque souvenir se perd et se déteint
L’un après l’autre, jusqu’à l’ultime moment
C’est pourquoi j’essaie de faire mien
Chaque instant, fût-il discret ou fulgurant
(Peut-être est-ce illusoire, peut-être est-ce vain)
Une plume frôle le papier
— Comme un oiseau la surface de l'eau —
Préférant l'envol à la fixité
Rien n'est esquissé: nul dessin nul mot
O misérable vie, où donc me ballotteras-tu?
Destin, quels plans pour ma misère?
Je ne suis, hélas, que marin à la mer
Et j’ai beau réfléchir, jamais je n’ai vu
Un de mes théorèmes, une de mes pensées
Une déferlante dans sa course arrêter
Il y a tant que je souhaiterais être
Et tant que je souhaite avoir,
Et pourtant je n'ai que ma voix pour paraître
Rêveur à bayer aux corneilles le soir.
Que n'ai-je pu être renommé et influent?
Accourant là où m’appelle chaque désir,
Vers un degré toujours supérieur et plus puissant,
Consumé par un éternel plaisir!
Que n'ai-je pu avoir un corps élégant et gracieux,
Parcouru de mains sans cesse nouvelles,
Enseveli sous les tissus rares et précieux!
Que n’ai-je pu posséder une demeure grande et belle,
Écoulant des jours faciles et n’aspirant qu’à jouir!
Non non, il aura fallu ce corps fragile,
Cette pensée bonne qu'à se marir,
Qu'à aiguiller mon esprit fébrile,
Et bonne qu'à cisailler d’inutiles vers.
À quoi bon cette voix que l’on me prête?
J’aime encore mieux la perdre tout entière,
À m’époumoner au sommet des crêtes!
Et moi, j'ai les mains froides d'un mort,
Rigide, dans mon lit long comme un cercueil.
Tous les sons qui parviennent à mon oreille,
Ne peuvent me surprendre.
Tout me laisse coi:
Le chant des oiseaux me déprime,
Il n'est de pensées qui ne creusent mon ennui,
Et toutes les idées m'ont semblé d'égal inintérêt.
Dans une telle posture, même le désespoir me laisse indifférent,
La sensualité des corps me lasse et la grâce des psaumes s’affadit
(Le plus grand abyme que l'homme eût pu connaître
N'est autre que sa nolonté).
Je désire m'allonger dans cette fixité éternelle,
Entendre toutes les voix,
Voir tous les horizons,
Pour enfin soupirer:
"Que m'importe toute cette agitation!"
Parfois, il me vient l’envie bien nette
De me réfugier en une grotte secrète
Pour écrire des poèmes tout le long du mois
Et ne rien faire d’autre que de me relire cent fois
Au déclin du soleil, à l'approche du soir
Au reflet des vitres, à l’ardeur des bâtisses
En moi inversement naît un espoir
Quand la ville s’endort et doucement glisse
C’est qu’à travers les cycles notre amour
À l’image de Nature qui perpétuellement renaît
Croît ou décroît, mais perdure chaque jour
Et trouve son chemin, comme ruisseau en chênaie
J'irais là où nul n'est allé
Écouter le chant de 1000 oiseaux
De l'autre côté de la rive
Trembler sous les tonnerres
Derrière la face des montagnes
Là où la source jaillit
Gratter la pierre de mes ongles
Érigeant ma tente solitaire
(Quel sentiment de savoir
Que personne ne vous attend
Ni mère ni père ni fils ni femme
Une liberté enivrante qui frôle la mort)
Ainsi établi en ermitage
Je ferai des rongeurs mes proches amis
Je déclamerai des vers aux parois
Et seul me répondra l'écho de mes pensées
Comme un puissant bœuf qui vigoureusement traîne
Son joug sous la pique éternellement répété
Vibrant sous la pulsion de ses muscles développés
Il nous faut porter jusqu’à la tombe notre peine
Sillonner un destin duquel on ne peut dévoyer
Arpenter le champ qu’arrosèrent nos ancêtres
Y planter pour ceux que demain verra naître
De grasses herbes pour verdir et l’espoir pour aimer
Donnez-moi de l’or! De l’or!
Pour pouvoir sans cesse entendre tinter les pièces!
Que m’importe le talent? Je veux des espèces
Et que l’on m’oublie! De tous c’est le sort
Je me plais parfois
À souffler sur les poussières et troubler leur paix
Lorsqu’elles se présentent à moi,
S’enroulant sur elles-mêmes en un doux ballet.
Je pense alors idiotement
Avoir quelque pouvoir sur les choses m’environnant!
Qui donc serait insensible au rire d’Avril?
Les bras de fumée se tendent une dernière fois
Flore galope es prairies, vole d’île en île
Et les fleurs et les cœurs s’éveillent d’émoi
Prends garde à la voix du serpent
— Piège insidieux de miel luisant —
Lui s'enroule autour du cœur exempt d’affliction
Exerçant sa sordide constriction
Et n'attend qu'une chose; il guette, plein d'apprêts
Le moment où, enserré de toutes parts, sans fuite possible
Dans le muscle creux qu'il prendra pour cible
Il pourra lâcher le doux venin de ses crochets
Cependant que, écoutant toujours, même envenimé
Ses paroles qui ne cesseront de te charmer
Tu laisseras les mensonges circuler en tes veines
Mâtiner ton âme et nourrir ta peine
Puis-je fendre les lignes du temps
Comme l'oiseau la ligne des airs
Discourir sur ce qui fut et sera
Porter un regard aérien sur le monde
Et éprouver quelque intuition ou prescience?
Il n'est de feu qui ne ardre
De vent qui ne souffle
De mer qui ne mugit
De plaines qui ne verdoient
Il n'est de perles qui ne scintillent
D'espoir qui ne se perd
De villes qui ne s'agitent
D'hommes qui ne se brisent
Il n'est de fanfarons qui ne caracolent
De musique qui n'émeut
De pensées qui n'égarent
De forêts qui n'accueillent
Il n'est de poètes qui ne chantent
De ciel qui ne bleui
De fleurs qui ne fanent
De cercueils qui ne scellent
Qui donc peut saisir
Les aléas du destin?
Peut-être qu’il y a une chose
-Un détail-
Qui échappe à toute volonté
Même à celle de Dieu
Et c’est en cela que résiderait
La Beauté du monde
Nul ne sait ce qui pèse dans l'ombre
Hardi qui, le cœur en trombe
S'y engloutit, y disparaît, muni d'un falot
Et ne laisse de sa chair qu'un long sanglot
Tous les poèmes sont des prières
Sera-t-il permis
Lorsque les entrailles de la terre s'entr'ouvriront
De lever la tête au ciel?
Sera-t-il permis
Lorsque les frères abattront les frères
D'invoquer ton nom, Yahvé?
Sera-t-il permis
Lorsque les familles se consumeront en pleurs et en cris
D'implorer ton aide?
Sera-t-il permis
Lorsque des éclats de haine voleront aux quatre points du ciel
D'espérer encore?
Te sera-t-il permis
Lorsque nous détourneront notre face de la tienne
D'agir mêmement?
Si à onze heure moins le quart vient une féroce envie
D'enlever cette cendre rebelle (cause de phtisie?)
Si, à minuit vos meubles semblent tant incongrus
Qu'il faille les déplacer sans retenue
Si, à une heure le matin la serpillière
Doit battre le plancher, relayer le balais plein de poussière
S'il fallait que ce ménage advienne
Monsieur, Madame, sur votre tête? Qu'à cela ne tienne!
(À moins que vous ne dansiez?
Qu'en sais-je? et ne veux savoir, quoi que vous fassiez)
***
Réponse des voisins d'en haut
Cher monsieur d'en bas, laissez-moi vous expliquer
Le bruyant déroulement qui gâche vos nuitées:
Nous nous rassemblons dès le hululement de maître hiboux
Et, à onze heures moins le quart, nous sommes, voyez-vous
Fort occupés à préparer les libations
Du sacrifice rituel précédant l'incantation
À la minuit, nous prions l'ange déchu
À une heure le matin, nous dansons sa venue
Ainsi va notre occulte entreprise
Bien à vous,
vos voisins sataniques qui vous méprisent
***
Réponse aux voisins d'en haut
Je tourne mon âme vers Jésus mon sauveur
Dans l'espoir qu'il entende ma prière et ma peur
Et espère que les saints encens qui embaument les airs
Forment un bouclier plus résistant que la pierre
Contre les démons et vilains
Et en dernier recours, si mes vœux sont vains
Il me reste de mon esprit la pureté
Mes bonnes mœurs, ma dévotion, ma vie sans péchés
Que tout cela me garde de votre hérésie!
Que vous pardonne le seigneur de vos démoneries!
Pour ma part, je déménage au plus tôt
Et me signe désormais plus que dévot!
Prends garde à mon cœur
Petit pot de fleurs
S’il choit sur le sol
Nul liant nulle colle
Ne le pourra réparer
Et, abandonnés,
Les morceaux traîneront au sol
Écrasés par les chars
Par les marchands
Par les pendards
Par les amants
(Serre-le bien
Entre tes deux mains)
La flèche dont la vélocité s'amenuise au vent
Rendant le mortel projectile qui vrille
Aussi inoffensif qu'une brindille
Chute lentement, dégringole en tourbillonnant
Ainsi tous les muscles par le vain effort
Deviennent tendus et crispés
Et le front inquiet du tireur maure
Qui, la main en visière, maugrée
Est strié de son âpre déconfiture:
"Comment, une autre cible intouchable?
Pour laquelle les bourrasques fautrices, du destin impalpable
Témoignent d'une volonté plus haute et cependant plus dure?"
Le combattant, faute de quoi, lève le camp
Et ne daigne même pas ramasser sa flèche:
Il préfère battre le sol d'Afrique, ruminant
Et lancer ses imprécations contre un ciel revêche
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